vidéoprotection-vidéosurveillance – dossier –

 

Vidéoprotection et copropriété

La problématique

Lors du dernier congrès de la Chambre nationale des experts en copropriété consacré aux libertés fondamentales dans la copropriété, deux interventions ont été consacrées à la vidéosurveillance / vidéoprotection.

Nous publions ci-après la communication de Gilles Rouzet, ancien conseiller à la Cour de cassation, qui présente «la problématique de la vidéoprotection dans un contexte général de protection des données personnelles, ici du droit à l’image et de la proportionnalité en cas d’atteinte au principe protégé».

I. Les certitudes

la Chambre nationale des experts en copropriété (Cnec), qui réunit d’éminents spécialistes de la copropriété, a tenu son congrès annuel récemment sur le thème « Copropriété et libertés ».

Cette étude est issue de la chambre des experts en copropriété à laquelle nous avons demandé l’autorisation de diffusion (mais non de duplication)

A. Une technologie attentatoire à la vie privée

  1. Textes et jurisprudence assurent la protection de la vie privée

La vidéoprotection doit se concilier avec le principe plus général du respect de la vie privée. Celui-ci est fréquemment énoncé et efficacement protégé, même s’il ne l’a pas été de tous temps. L’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et qui prime les législations nationales, dispose en son premier tiret que «toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance». Le principe, déjà affirmé en jurisprudence, a seulement pris place le 17 juillet 1970 à l’article 9 du Code civil qui énonce que «chacun a droit au respect de sa vie privée». Il a, par exemple, été appliqué dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 6 mars 1996, publié, qui retient, au visa de cet article 9, qu’ «est illicite toute immixtion arbitraire dans la vie privée d’autrui». Comme l’a expliqué le professeur Ravanas dans un commentaire sur ces questions paru au recueil Dalloz de 1997 «la cour suprême embrasse les immixtions présentes, celles qui seront demain la rançon du progrès, les investigations des particuliers, tiers, contractants… ou la puissance publique, les recherches actives (fouille, intrusion forcée…) et les comportements passifs (écoute, vidéosurveillance…), l’utilisa-ion d’un moyen humain (détective, ami) ou technique (optique, acoustique, médical, voire psychologique…)».

  1. La protection s’exerce à l’encontre des vidéos non justifiées

La deuxième chambre civile de la cour de cassation a rappelé la règle par un arrêt publié du 30 juin 2004 qui approuve une cour d’appel d’avoir relevé «qu’en principe toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation». Concrètement, dans une espèce proche de situations qui se rencontrent en copropriété, la première chambre civile -qui connaît principalement des questions de droit à l’image-a approuvé par un arrêt cette fois-ci non publié du 1er juillet 2010 la condamnation du propriétaire d’un passage privé grevé d’un accès à un immeuble d’habitation à retirer sous astreinte une caméra de vidéosurveillance. Bien qu’il l’ait fait installer au-dessus de sa porte et signalée par des panneaux permanents, la bénéficiaire de la servitude, «se plaignant de ce qu’elle-même et les personnes qui lui rendaient visite sont filmées et leur image enregistrée», a obtenu gain de cause. La chambre criminelle, quant à elle, a retenu le 16 février 2010, par un arrêt publié et dans une espèce où une amende de quelques milliers d’euros avait été infligée pour avoir «filmé, à la faveur d’un reflet sur les parois de verre d’un immeuble faisant face, une scène permettant d’identifier deux jurés» que «la cour d’appel a justifié sa décision au regard de l’art. 226-1, alinéa 2, du Code pénal selon lequel constitue une atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée le seul fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé».

  1. La protection s’exerce à l’encontre d’atteintes différemment justifiée

L’arrêt du 3 juin 2004, publié, montre que la Cour de cassation est soucieuse d’assurer rigoureusement le respect de la vie privée. Il s’agissait d’un ex-mari qui avait engagé les services d’un détective pour légitimer sa demande en justice de suppression d’une pension alimentaire. La première chambre civile censure la décision entreprise qui avait justifié cette ingérence «par la nécessité d’établir devant le juge aux affaires familiales la réalité des revenus de chacune des parties» en retenant que l’ex-épouse «avait été épiée, surveillée et suivie pendant plusieurs mois, ce dont il résultait que cette immixtion dans la vie privée était disproportionnée par rapport au but poursuivi». C’est là qu’intervient un second facteur, celui de la proportionnalité, surtout appliqué par les juridictions européennes. C’est peut-être pourquoi le contrôleur européen de la protection des données (cepd) écrivait dans la Gazette du palais du 17 mars 2010 : «les décisions sur l’opportunité d’installer des caméras et la manière de les utiliser ne devraient pas être uniquement fondées sur des conditions de sécurité. La sécurité doit plutôt être mise en balance avec les droits fondamentaux d’un individu. En suivant une approche pragmatique fondée sur les principes de la sélectivité et de la proportionnalité, les systèmes de vidéosurveillance peuvent répondre à la nécessité de sécurité tout en respectant la vie privée».

 

B.Les parties communes sont des lieux privés à l’égard des tiers

Les parties communes constituent manifestement des lieux privés, même pour les forces de sécurité.

Les dispositions que la loi du 21 janvier 1995 a introduites en un alinéa 25 k dans celle du 10 juillet 1965 le justifient a contrario. Il offre la possibilité à une copropriété de décider d’une «autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes», alors que leur intervention devait être requise au coup par coup, selon le droit commun.

1) La reconnaissance du caractère privé de ces locaux en matière pénale

Un arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2009, publié et commenté à la Gazette du palais de 2009 par un magistrat, M. Belfanti, a censuré la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris alors que, explique-t-elle, «des policiers, agissant en enquête préliminaire, ont mis en place un dispositif technique aux fins de capter et de fixer les images dans le parking souterrain clos d’une résidence privée dont l’accès nécessite l’usage d’une télécommande ; qu’ils ont par ce moyen, fixé les images de personnes allant et venant dans l’allée centrale du parking […]. Mis en examen dans l’information ultérieurement ouverte, Karim X. A saisi la chambre de l’instruction d’actes de la procédure et en particulier des vidéosurveillances réalisées, en faisant notamment valoir qu’elles n’avaient pas été autorisées par un juge et qu’elles avaient été effectuées dans un lieu privé, à usage d’habitation, inaccessible à des vues extérieures et clos, l’usage d’une clef étant nécessaire pour y entrer».

La chambre criminelle a jugé pour censurer l’arrêt objet du pourvoi «que les parties communes d’une copropriété constituant un lieu privé, les opérations de captation et de fixation d’images effectuées en l’espèce ne répondaient pas aux conditions de l’article 706-96 du Code pénal».

2) La reconnaissance du caractère privé de ces locaux en matière civile.

Un arrêt cette fois-ci civiliste puisque rendu par la troisième chambre le 11 mai 2011, publié, montre que ce souci de protéger les droits fondamentaux de l’individu est partagé par l’ensemble des formations de la cour de cassation.

Un couple avait installé sur son lot, après déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) mais sans l’accord des autres copropriétaires, un système de “vidéosurveillance” avec lampe à déclenchement automatique fixés tous deux sur un mât, dirigé sur une portion de chemin constituant une partie commune de la copropriété horizontale.

Ces époux contestaient l’arrêt infirmatif les condamnant en référé et sous astreinte, à la demande du syndicat des copropriétaires, à le déposer comme constituant un trouble manifestement illicite. En effet, avait constaté la cour d’appel de Bastia, les travaux d’installation du système de vidéosurveillance «avaient été exécutés dans leur intérêt « exclusif ». Les demandeurs au pourvoi soutenaient notamment que l’installation répondait à un objectif de sécurité puisque l’installation d’un système de vidéosurveillance dans les parties privatives d’un copropriétaire n’est qu’une riposte à des menaces à l’intégrité physique et à des dégradations de biens par certains copropriétaires voisins» ; mais aussi qu’elle respectait le principe de proportionnalité dès lors que «le risque d’être filmé par les uns est proportionné aux risques encourus par les autres».

Peine perdue, avons-nous répondu sans préciser toutefois les conditions auxquelles cette autorisation aurait dû être donnée, les travaux d’une installation mise en place «en dehors de tout consentement donné par les copropriétaires compromettaient de manière intolérable les droits détenus par chacun dans le libre exercice de leurs droits sur les parties communes».

 

C. Le passage de la vidéosurveillance à la vidéoprotection

1) Le bienfondé de la distinction formelle

La législation de 2011 et surtout la réglementation de 2012 substituent en france le terme de vidéoprotection (substantif non encore admis en informatique) à celui de vidéosurveillance, notamment pour la couverture des parties communes de locaux d’habitation placés sous le régime de la copropriété des immeubles bâtis. Ce glissement de dénomination présente l’avantage d’éviter qu’un copropriétaire suppose être en droit de “surveiller” un autre occupant de sa résidence par le biais de caméras fixes. On peut dire que l’objet de la vidéoprotection consiste seule-ment à assurer la sécurité des personnes et des biens dans leur sphère privée ; tandis que la vidéosurveillance a une acception plus large. Celle-ci s’applique par exemple au télévisionnage direct de la voie publique, de lieux de travail -où elle donne lieu à une jurisprudence fournie- ou de locaux commerciaux recevant du public. Elle entend alors aussi bien protéger en temps réel le commerçant contre le chapardage dans son magasin que le chaland du vol de voiture sur le parking d’une grande surface ; mais prévenir en complément contre les risques majeurs d’intrusion, d’incendie, d’attentats, etc. Dans des locaux privés ouverts au public.

2) La nécessité de “cantonner” le champ de vidéoprotection

La caméra de vidéoprotection installée dans une copropriété constituée de locaux exclusivement destinés à l’habitation vise à protéger certaines parties communes constituant des points de passage. Elle ne saurait s’étendre aux parties communes à jouissance privative ni aux accès aux parties privatives situés dans les parties communes. Une installation permettant de surveiller les allées et venues des copropriétaires constituerait une intrusion dans la vie privée de leurs occupants. Il doit donc être vérifié, à l’occasion de la mise en place d’une vidéoprotection dans une copropriété, que les zones balayées et les destinataires des images sont clairement définis et délimités pour éviter tout détournement de données personnelles. Il est toujours à craindre la curiosité malsaine -le voyeurisme- de tel ou tel copropriétaire. De plus, les preuves ainsi constituées ne seraient vraisemblablement pas utilisables devant les juridictions civiles ou pénales pour les raisons précédemment évoquées. Les techniques de lecture envisageables vont de l’enregistrement, crypté ou non, mais alors à la condition de ne pas être librement accessible dans la copropriété. Le visionnage peut être direct sur écran s’il y a floutage, mais le cryptage et l’enregistrement dans un boîtier sécurisé sont préférables et généralement proposés. Certains prospectus d’installation évoquent la possibilité d’une transmission sur ipod ou système androïd en omettant de signaler les risques d’atteinte au droit à l’image de cette proposition et les sanctions pénales qui s’ensuivent. Quant aux destinataires des données, il peut s’agir des forces de sécurité, telle la police nationale ou municipale, d’une société privée de gardiennage, du cabinet du syndic de copropriété, etc.

II. Les incertitudes

A. Les incertitudes administratives

1) La plaquette diffusée par la CNIL est insuffisante

L’installation des caméras

Que la CNIL écrive dans sa brochure grand public de juin 2012 : «il est possible d’installer des caméras à la suite de vols ou de dégradation de véhicules dans le parking souterrain d’un immeuble, à titre dissuasif, ou pour identifier les auteurs. Des caméras peuvent également être installées dans le hall d’entrée pour éviter les tags ou les dégradations de boites aux lettres» est troublant. Faut-il avoir été victime d’incivilités, voire d’infractions, pour justifier la pose d’une vidéoprotection ? La réponse ne peut qu’être négative. Peu importe la raison pour laquelle la copropriété décide de l’installer ; mais autant se convaincre de son caractère discrétionnaire plutôt que de laisser planer un doute. La même incertitude règne sur le consentement à obtenir des copropriétaires pour décider de son installation. Cette même plaquette de la CNIL de l’été dernier mentionne, sans autre précision, que «l’installation de caméras dans une copropriété doit faire l’objet d’un vote à la majorité lors de l’assemblée générale des copropriétaires». De quelle majorité s’agit-il : la double de l’article 26, la qualifiée de l’article 25 ou la simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 ?

L’utilisation de l’image captée

La plaquette 2012 de la CNIL se contente de prescrire que «les dispositifs permettant de visualiser des images en direct ou enregistrées, ne doivent pas être librement accessibles à l’ensemble des habitants. Seuls, ajoute-t-elle de façon surprenante, le syndic, les membres du conseil syndical, le gestionnaire de l’immeuble ou le gardien doivent pouvoir visualiser les images». N’y aurait-il pas eu lieu d’être plus limitatif si l’unanimité n’est pas requise ? Notamment d’imposer qu’elles soient alors cryptées pour n’être utilisables qu’en cas d’incident ? Ne faudrait-il pas aussi contrôler leur destruction effective, si elles sont mémorisées, dans le délai prescrit d’un mois ? La loi n’apporte pas non plus les précisions souhaitables. Tout au plus, l’article L. 126-1-1 du Code de la construction et de l’habitation issu de la loi dite LOPSI II du 14 mars 2011 complète-t-il les conditions fixées par l’article 25 p de celle de 1965 en matière de transmission en temps réel «aux services chargés du maintien de l’ordre des images réalisées en vue de la protection des parties communes des immeubles collectifs à usage d’habitation lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes».

Le décret d’application du 27 janvier 2012 encadrant ces conditions de transmission en un article R. 127-8 du même code est de peu de secours. Il tente de compléter la protection des copropriétaires en imposant une convention préalablement conclue entre le gestionnaire et le préfet (et le maire pour la police municipale) – mais sans préciser si elle doit être autorisée par l’assemblée générale -, une information par affichage spécifique – ce qui exclut l’autorisation donnée “à chaud” -, la nécessité d’une infraction imminente et d’une atteinte grave, et la transmission «strictement limitée au temps nécessaire à l’intervention».

2) Les réponses ministérielles sont improbables

Une première réponse ministérielle du 28 décembre 1987, donc antérieure à la loi portant engagement national pour le logement (ENL) du 13 juillet 2006 et introuvable sur legifrance, supposait que la majorité nécessaire à l’installation d’un système de vidéoprotection des parties communes devait être celle de l’article 26 de la loi de 1965. Ceci, puisque -selon la réponse ministérielle- elle constituait une “amélioration” au sens article 30 de cette même loi. Cette notion d’“amélioration” a régressé par le biais d’une loi de 1992 de l’article 26 à l’article 25 ; elle a été ramenée de la “double majorité” à la majorité qualifiée”. Et puis, cette installation d’une vidéo protection constitue-t-elle une amélioration, ou une restriction aux droits des copropriétaires sur les parties communes ? Toujours cette notion de proportionnalité… la loi ENL de 2006 a autorisé à la majorité d’un article 25 n ajouté à celle de 1965 «les travaux à effectuer sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens». Ils peuvent donc être décidés pour prévenir une atteinte aux personnes et aux biens, tels les vols et les agressions ; mais sont-ils justifiés pour combattre quelques incivilités dans un hall d’immeuble, tels les graffitis ou les tags ? La CNIL le dit, mais est-ce suffisant ? Car est-ce le moyen le plus adapté, puisqu’attentatoire à la vie privée, pour se prémunir contre ces nuisances ? N’était-ce pas, à une époque où les systèmes vidéos étaient peu répandus, aux clés -magnétiques ou non- aux éclairages à déclenchement automatique, aux sirènes, etc. Qu’il était fait allusion ?

Une seconde réponse ministérielle formulée le 8 décembre 2009, cette fois-ci en regard de la loi ENL, affirme que «les travaux d’installation d’un système de vidéosurveillance dans les parties communes, qui visent précisément à prévenir les atteintes aux personnes et aux biens, sont donc votés par l’assemblée générale à la majorité de l’article 25». Elle poursuit : «toutefois, lorsque des travaux devant être votés à la majorité de l’article 25, bien que non adoptés selon cette majorité, ont été accueillis favorablement par le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat, l’article 25-1 prévoit que la même assemblée peut décider à la majorité prévue à l’article 24, à savoir la majorité des voix exprimées des seuls copropriétaires présents ou représentés, en procédant immédiatement à un second vote». Elle conclut : «lorsque les travaux n’ont pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale, si elle est convoquée dans le délai maximal de trois mois, peut statuer à la majorité de l’article 24». Cette affirmation, émise sans autre réserve et sans s’en remettre à «l’appréciation souveraine des tribunaux», peut conduire à certaines difficultés. La captation d’images est nécessairement différente de l’utilisation de clés, éclairages automatiques, sirènes, etc précités, puisqu’elle frappe les visiteurs étrangers à la copropriété qui accèdent aux parties communes, lieux privés.

B. Des correctifs jurisprudentiels ?

1) Des apports marginaux

L’imputation des frais d’installation

Un arrêt de la 23ème chambre b de la cour d’appel de Paris du 15 janvier 2004 a jugé que l’installation d’un système de vidéoprotection constituait une charge commune générale, à répartir sur la base du critère de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1965. Cette question ne semble pas avoir été portée devant la Cour de cassation.

L’imputation des frais d’entretien

En revanche, un arrêt de la 3ème chambre civile du 21 novembre 2000, rendu il est vrai en formule abrégée, a rejeté le pourvoi introduit contre une décision de la cour d’appel de Paris condamnant deux copropriétaires contestant l’appel de charges en se prévalant de l’inutilité pour leurs lots de la vidéosurveillance sur les parties communes puisqu’elle retenait «que la participation obligatoire à l’entretien d’un bien commun ne prenait pas en compte l’usage effectif fait par chacun de l’équipement offert par la collectivité».

2) Le remède de l’affichage

Ce remède à portée générale peut être tiré d’un arrêt du 24 septembre 2009. Un preneur à bail reprochait à une cour d’appel d’avoir accueilli des films vidéos à titre de preuves pour justifier «son inertie devant de nombreux faits survenus dans les parties communes, imputables à certains occupants de l’immeuble, notamment squatters, et constitués d’actes de vandalisme, trafic et usage de stupéfiants, accueil de clients en vue de la prostitution, défécation, urines et crachats dans le hall, manifestations d’hostilité envers divers locataires». La première chambre civile a rejeté le pourvoi en retenant qu’«un avertissement de l’existence des caméras litigieuses figurait sur trois panneaux placés dans les lieux concernés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’immeuble». Cela pourrait laisser entendre que l’affichage se substitue au consentement exprimé ; mais ce raisonnement mérite d’être vérifié.

Il convient en effet d’être prudent sur l’interprétation de cette décision puisqu’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 novembre 20091 retient, dans le cas où une assemblée générale de copropriétaires avait voté à la double majorité de l’article 26 de la loi de 1965 la pose d’une caméra, d’un moniteur et d’un stockeur numérique «pour assurer la sécurité de l’immeuble», alors que la copropriété «avait subi la présence de squatters dans les chambres de bonne du 6ème étage et devait faire face à la pénétration de certaines personnes interlopes dans les lieux pour s’adonner dans la cour à des trafics en tous genres, ainsi qu’à la tentative avec effraction de l’appartement de x. Et une agression physique» que «l’installation d’un système de vidéosurveillance impliquant la possibilité d’observer la circulation de toutes personnes se rendant dans les différents appartements de l’immeuble et l’enregistrement des données constitue une indiscutable atteinte à l’intimité des occupants de ces divers appartements. Dès lors, poursuit-elle, est-il porté une atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives, laquelle ne pouvait être acceptée que par l’unanimité des copropriétaires». Il est en effet loin d’être justifié que, malgré l’interprétation donnée par la CNIL et le respect de l’obligation d’affichage, la majorité de l’article 25 de la loi de 1965 – dont il est souvent fait état – soit suffisante. L’accord des occupants permanents (locataires) ou occasionnels (clientèle professionnelle) est délaissé, alors que la vidéoprotection peut être attentatoire au secret professionnel. Il est symptomatique qu’une revue mensuelle consacrée à la responsabilité médicale, qui aborde la «vidéosurveillance du cabinet», conclut dans l’hypothèse visée par l’arrêt du 11 mai 2011 précité que l’unanimité est nécessaire (ce que s’est gardée d’écrire la 3ème chambre civile, mais qui peut être déduit dans la situation évoquée).

Pour conclure, il est possible de faire siens les propos que le professeur Ravanas tenait sur le sujet. «On redoutait, écrivait-il, à la fin de l’ancien régime, l’arbitraire du juge. On trouve aujourd’hui dans la jurisprudence du conseil constitutionnel, de la cour européenne des droits de l’homme et des juridictions judiciaires et administratives un bouclier efficace contre l’arbitraire des particuliers, de l’administration et, dans une certaine mesure de la loi». C’est dans cet esprit qu’il convient d’envisager le recours à la vidéoprotection.